Contention à l'école? Des règles de base à respecter!

Mercredi 20 avril 2016

Un enseignant peut-il immobiliser un élève ayant un comportement violent ou difficile ? La contention des enfants, en situation de crise,  peut paraître désuète et violente. Elle reste pourtant pratiquée dans les hôpitaux comme dans les écoles. Suite à plusieurs plaintes déposées par des parents, la ministre de l’Education, Joëlle Milquet, a diffusé une circulaire règlementant les conditions de contention et d'isolement en milieu scolaire.
Avec cette circulaire, Joëlle Milquet a voulu réagir aux plaintes portées à l'encontre de l’école " le Clair-Logis " à Havré pour maltraitance d'enfants. L'école "le Clair-Logis" est un établissement scolaire d’enseignement spécialisé provincial, qui accueille principalement des enfants de type 3 (enfants présentant un trouble du comportement). L'affaire aurait débuté avec une plainte déposée par un membre du personnel enseignant, en octobre 2015, dénonçant "les traitements physiques infligés aux enfants », et les réponses jugées « inadaptées et disproportionnées comme la contention systématique des enfants à l’aide d’un foulard ou d’un ruban adhésif."[1] Des parents d'élèves porteront également plainte pour coups et blessures à l'encontre de leurs enfants au sein de l'école. D'autres cas similaires auraient été déplorés dans d'autres établissements scolaires.

Une réalité bien présente

Dans la pratique, plusieurs moyens de contention sont tolérés: la contention physique (l'immobilisation des élèves), la contention mécanique (via des sangles, par exemple) et enfin la contention chimique (via des médicaments prescrits à l'élève).[2] Ces règles sont à utiliser en dernier recours et ont été rédigées par le Conseil supérieur de l’enseignement spécialisé, mais elles sont aussi valables pour l’enseignement ordinaire. Pour la ministre, il était pourtant devenu nécessaire de clarifier les conditions de rétention des élèves. Outre le secteur de l'enseignement spécialisé, plus souvent confronté à des enfants en difficulté et/ou violents, c'est l'ensemble du secteur de l'enseignement qui serait concerné par la question de la contention et de l'isolement possible d'enfants. Comme le précise Pascal Chardome, "l’enseignant est parfois complètement déboussolé quand il est face à un enfant en crise. Il ne peut pas toujours faire appel à un collègue, donc il est tout seul face à sa classe. Certains enseignants prennent parfois des mesures en urgence, sans toujours connaître les responsabilités qu’ils encourent en la matière."[3] De fait, tout membre du corps enseignant ou éducatif peut être confronté à des situations problématiques avec certains enfants en souffrance. La contention ou l'isolement, comme réponses toutes faites à ces "comportements déviants", ne peuvent être des moyens d'action laissés à la libre appréciation de chaque membre du personnel scolaire. Pourtant, jusqu'ici, c’était le flou juridique qui prédominait en la matière. Hormis les recommandations du Conseil supérieur de l'enseignement spécialisé citées plus haut, aucun texte ne règlementait les conditions et les limites de la contention au sein de l'école. De fait, la législation scolaire ne traite pas de la question de l'isolement et les missions assignées à l'enseignement n'envisagent pas la question de la contention, selon l’article 6 du décret Missions. De plus, aucune formation spécifique n'est envisagée pour les enseignants et leur formation initiale ne traite pas de ces questions. Enfin, aucun soutien ou suivi n'est organisé pour le corps enseignant et éducatif. Seul le secteur de l'enseignement spécialisé était, jusque-là, soumis à une législation en la matière. Or, on ne peut nier que l'enseignement ordinaire fait face à des comportements problématiques et/ou limites au quotidien. Comment gérer l'agressivité de certains élèves? Il était donc temps de réglementer pour éviter les dérapages.

Des alternatives à la contention

La circulaire émise par la ministre est le résultat d’une part,  de différentes études et travaux menés par le Centre pour l’égalité des chances en 2012, le Délégué général aux droits de l’enfant et le Service universitaire spécialisé pour les personnes avec autisme (SUSA) et, d'autre part, d’une série de recommandations faites par le Conseil supérieur de l'enseignement spécialisé[4]. Cette circulaire[5] permet de prendre en considération le milieu spécifique qu'est l'école face aux notions de contention physique, mécanique et chimique ainsi que l'isolement. Elle précise également le cadre légal ainsi que les notions de responsabilité civile et pénale. Enfin, le texte insiste sur la nécessaire formation des membres du personnel des établissements scolaires, ainsi que sur l'importance du travail de prévention. La recherche d'alternatives à la contention ou à l'isolement des enfants est encouragée. La contention n'est ni un objectif ni un moyen habituel. Elle doit être une pratique d'extrême urgence ou de dernier recours. Comme le souligne Fanny Constant, secrétaire générale du Conseil de l’enseignement des communes et des provinces (CECP), aucun enseignant «ne souhaite procéder de la sorte. Mais face à des enfants qui peuvent avoir des comportements inattendus, les profs méritent que le cadre et les règles soient clairs."[6] On le voit : la ministre a souhaité règlementer, de manière très stricte, les conditions dans lesquelles la contention ou l'isolement d'un élève peuvent être envisagés par le personnel enseignant et éducatif afin d'éviter tout abus ou une banalisation de ces pratiques restrictives.   [1] "Plusieurs parents portent plainte contre le Clair-logis d'Havré pour maltraitance", rtbf.be, 3 mars 2016. [2] "Joëlle Milquet rappelle les méthodes utilisées pour canaliser l'agressivité des élèves", rtbf.be, 8 mars 2016. [3] Ibidem. [4] Mesures de contention et/ou d'isolement dans les établissements d'enseignement spécialisé. Document disponible via la page: www.enseignement.be/index.php/index.php?page=24410&navi=966 [5] Circulaire disponible sur la page: www.joellemilquet.be/wp-content/uploads/2016/03/Circulaire-contention.pdf une circulaire pour préciser les règles et aider les membres du personnel en matière de contention et/ou d'isolement en milieu scolaire. [6] "Je ne l’ai pas enfermé ou attaché: je l’ai pris dans mes bras...", La Libre Belgique, Annick Hovine, 9 mars 2016.

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